La péridurale: les plus, les moins,...

     Actuellement, environ 80% des accouchements par voie basse ont lieu sous péridurale. Une grande partie des 20% restants concerne les accouchements trop rapides pour qu'une péridurale soit faite (ou dans quelques rares cas, une contre-indication).
Les femmes qui accouchent volontairement sans péridurale sont donc rares. Pourquoi un tel engouement ?



Les Plus:
- Une disparition totale de la douleur tout en restant éveillée pour voir son bébé arriver
- Depuis son apparition, beaucoup d'améliorations ont été apportées. Les premières péridurales avaient beaucoup d'effets secondaires (perte de toutes sensations qui entraînaient des difficultés d'expulsions, paralysie de certains membres pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours après l'accouchement, maux de têtes violents pendant plusieurs jours,...). Aujourd'hui, il n'en est plus ainsi. Le dosage permet souvent d'enlever la douleur mais de conserver les sensations pour pouvoir pousser. De plus en plus d'hôpitaux proposent même une péridurale que la femme dose elle-même. Certains (mais rares pour l'instant) proposent une péridurale ambulatoire (qui permet de se déplacer avec la péridurale, au lieu de rester couchée).
- En cas de césarienne d'urgence, il n'est plus nécessaire de faire une anesthésie générale. Le cathéter peut servir à faire une rachi-anesthésie. La maman est donc éveillée pour voir son bébé dès la naissance, même en cas de césarienne.
- Une diminution de l'angoisse et une amélioration de la détente. Dans certains cas où la douleur et l'angoisse bloquent le travail, il paraîtrait que la péridurale peut même redémarrer le travail et donc éviter une césarienne.
- Une sage-femme peut s'occuper de plusieurs parturientes en même temps car une femme sous péridurale n'a pas besoin d'être accompagnée comme une femme qui n'en a pas.

Les Moins: 
- La péridurale ralentit le travail. Naturellement, les contractions sont provoquées par une hormone produite par notre corps qui permet à l'utérus de se contracter: l'ocytocine. Cette hormone a aussi d'autres rôles dans notre vie de tous les jours et dans l'accouchement: on l'appelle l'hormone du plaisir. Elle contribue dans l'accouchement au lien d'attachement mère-enfant et au lâcher-prise. C'est elle aussi qui permet l'éjection du lait. Ainsi, les contractions sont très importantes pour mettre en place l'allaitement.
Lorsqu'on pose la péridurale, l'anesthésie empêche la production de cette hormone. Les contractions s'espacent, sont moins fortes et si l'on ne fait rien, le travail risque de s'arrêter.
Alors on associe la péridurale à 2 autres actions qui vont permettre d'accélérer le travail: la rupture artificielle des membranes (poche des eaux, si elle n'est pas déjà rompue), et ajout d'une perfusion de Synthocinon®.
Le Synthocinon® est une imitation artificielle de l'ocytocine. Il permet d'augmenter l'intensité des contractions, leur fréquence,... Malheureusement, il n'a pas le même effet émotionnel que l'ocytocine naturelle.
- 1 femme sur 5 ne supporte pas le Synthocinon®. La tension de la maman chute, le cœur du bébé ralentit, et si on ne fait pas rapidement quelque chose, le bébé est en souffrance. Pour ces femmes-là, une fois la péridurale posée, il n'est plus possible de redynamiser le travail. Par ailleurs, comme la poche des eaux a été rompue, on ne laisse souvent pas le travail se poursuivre plus de 12h car il y a des risques d'infection pour le bébé. Si la péridurale a été posée tardivement, l'accouchement, bien que ralenti, va pouvoir se terminer normalement (ce fut mon cas; péridurale à 7cm, pas de Synthocinon® possible, il a fallu 7h30 de plus pour parcourir les 3 derniers cm, mais finalement, on y est arrivés). En revanche, si la péridurale est posée tôt, 12h ne suffiront pas au col pour se dilater et l'accouchement se termine souvent en césarienne. C'est la raison pour laquelle de plus en plus d'hôpitaux attendent que le col soit ouvert au moins à 3cm avant de poser la péridurale (et l'OMS recommande d'attendre même que le col soit ouvert à 5cm, pour minimiser les risques de césarienne).
- Malgré les progrès effectués en matière de dosage, certaines femmes perdent encore toutes sensations et n'arrivent pas pousser efficacement (plus cela fait longtemps qu'elle a été posée et plus il est difficile de garder les sensations). Cela augmente donc le risque d'épisiotomie, d'utilisation de ventouse ou de forceps, et, si rien n'y fait, de césarienne.
- Le Synthocinon® donne des contractions plus violentes que les contractions naturelles. Lorsque la poche des eaux est rompue, le bébé ressent les contractions beaucoup plus violemment car sa tête appuie directement sur le bassin de la mère. Ainsi, le risque de souffrance fœtale est plus élevé (et donc le risque de césarienne d'urgence aussi). Heureusement, lorsque le bébé commence à souffrir, on peut souvent faire quelque chose pour ralentir le travail, ce qui n'est pas le cas avec tous les médicaments utilisés pour donner des contractions (comme le Cytotec®, par exemple, pour lequel en cas de souffrance fœtale, on ne peut plus faire grand chose à part une césarienne).
- Excepté dans quelques hôpitaux où l'on trouve une péridurale ambulatoire, les femmes sous péridurale doivent rester allongées. On sait maintenant à quel point les mouvements de la mère sont importants pour que le bébé se place correctement. Lorsqu'il descend dans le bassin, il a une rotation à effectuer (plus ou moins compliquée en fonction de sa position initiale). Si la mère peut changer de positions, cela va aider le bébé. Sinon, il devra tout faire tout seul. Et parfois il n'y arrive pas, ce qui aboutit à l'utilisation de forceps (+ épisiotomie),... et parfois à la césarienne. Les femmes qui ressentent la douleur des contractions, vont bouger instinctivement pour trouver une position qui va les soulager. Inconsciemment, elles prennent exactement les positions qu'il faut pour aider le bébé à tourner et descendre. Une femme qui ne sent pas la douleur, quand bien même elle aurait une péridurale ambulatoire qui lui permettrait de se déplacer, ne saura pas quelle position serait la meilleure à ce moment-là.
- Le produit utilisé pour la péridurale est un anesthésiant comme un autre, avec ses risques. C'est la raison pour laquelle l'hôpital, comme avant chaque intervention chirurgicale fait signer une décharge à la maman.
- Parfois, la péridurale ne fonctionne pas (mal posée,... ).
- On ne sait pas trop quel effet tous ces produits injectés ont sur le bébé. On peut espérer que la péridurale anesthésie aussi un peu le bébé car les contractions provoquées par le Synthocinon® sont plus violentes que les contractions naturelles. Si réellement le bébé est en partie anesthésié, cela pourrait expliquer pourquoi après une longue péridurale, certains bébés ont un réflexe de succion moins fort, ce qui rend la mise en place de l'allaitement plus difficile.
- Une fois sous péridurale, la plupart des hôpitaux interdisent à la femme de manger et de boire parce qu'en cas d'anesthésie générale, il faut avoir le ventre vide (pour éviter un risque de vomissement et étouffement pendant le sommeil). Ce risque d'anesthésie générale est très faible car la rachi-anesthésie est possible. Mais au cas où,... on ne permet pas à la maman de manger ni de boire. Lorsque l'accouchement dure longtemps (par exemple en cas d'expulsion après 12h de péridurale), la femme a souvent très soif (j'avais la bouche tellement sèche que mon mari me vaporisait le brumisateur dans la bouche de temps en temps!) et elle a besoin de forces pour pousser efficacement. Pour compenser cela, on met de l'eau et du glucose dans la perfusion.
- Au moment de la délivrance (sortie du placenta), pour les femmes qui ne supportent pas le Synthocinon®, sous péridurale les contractions sont beaucoup moins fortes et peu nombreuses, ce qui augmente le risque d'hémorragie de la délivrance (cela est accentué par le fait que la délivrance est presque toujours artificielle, mais c'est un autre sujet,...). Mais souvent, cela peut être rétabli par des injections de Synthocinon® (le bébé étant déjà sorti, il n'y a plus de risque de souffrance foetale).

     Après cette longue liste de points positifs et négatifs, je dirai 2 choses, pour répondre à la question que j'avais posée au début (pourquoi un tel engouement pour la péridurale ?):
- certaines femmes veulent à tout prix éviter de souffrir. Mais je crois que ce ne sont pas les plus nombreuses.
- beaucoup, je pense, se passeraient volontiers de péridurale si elles en avaient la possibilité. En effet, on ne propose pas tellement d'alternative aujourd'hui. La diminution du nombre de sages-femmes, joue beaucoup là-dessus. J'ai pu me rendre compte qu'un accouchement très long (32h30, pour moi) et non-accompagné n'est pas tenable sans péridurale. Si chaque femme avait une sage-femme auprès d'elle tout au long de son accouchement, pour l'aider à gérer les contractions, par tout un tas de méthodes naturelles (mouvements, bain, massages,...), je crois que beaucoup plus de femmes accoucheraient sans péridurale.
Une sage-femme pour chaque femme qui accouche, c'est l'une des choses que demandent les sages-femmes dans leur mouvement de grève pour la reconnaissance de leur profession.


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